Le ‘Choc Culturel Inversé’ est le syndrome des ‘impats’, c’est-à-dire les nationaux qui rentrent d’expatriation… et oui, non avons même un nom!
Aujourd’hui, cela fait un an que je suis rentrée de 12 années d’expatriation…. Un an!!!! Une année après ma première (pas vraiment première non plus) année en France et quel chemin parcouru et en même temps, cela ne me semble toujours pas encore être ma ‘vraie vie’. C’est un sentiment troublant et difficile à expliquer, mais je vais essayer de partager ma version de ce que l’on appelle le ‘choc culturel inversé’.

L’expatriation : c’est plus compliqué de revenir que partir

Je suis de retour d’expatriation et ce n’est pas aussi simple que je l’aurais pensé. On pense toujours en partant que l’étape la plus compliquée, c’est le départ. Mais la réalité est toute autre.
Revenir après une longue expatriation, c’est une aventure, une immersion dans un nouveau monde (qui pourtant devrait être familier puisque c’est notre ‘maison’, notre pays, notre culture), un débarquement, une nouvelle expérience. Ceux qui n’ont jamais été expatrié ne peuvent pas comprendre ce sentiment de décalage, car c’est vraiment cela, un décalage, un vrai jet lag!
Il y a même un nom un peu scientifique à ce sentiment : Choc culturel inversé (« Re-Entry-Syndrome-RES pour les bilingues).

Rentrer en France ? Une aventure ! Qui l’eût cru ?

Quand on rentre, on vit tout d’abord une sorte d’euphorie. On est heureux de retrouver tout le monde et tout semble parfait, on a pleins de projets, d’envies de retrouver et passer du temps avec ceux qu’on a un peu négligé au fil des années et pas vus depuis une éternité parce que je n’avais jamais le temps de voir tout le monde quand je revenais pour quelques jours de vacances par ci, par là. Mais cette phase n’est que de courte période. Il s’ensuit une phase beaucoup moins fun où la réalité prend place: vous êtes rentré pour de bon!
Le choc est là. Parce que lorsque l’on rentre après une longue expatriation comme moi, il y a d’abord les difficultés administratives: vous avez déjà essayé d’expliquer à Pôle Emploi que vos fiches et contrats de travail sont en effet tous en anglais parce que vous étiez d’abord à Londres, puis à Doha et que ce sont les seuls justificatifs que vous avez? Pas facile! Mais, nous rentrons dans une catégorie quand même, celle de l’ATA qui est normalement pour les demandeurs d’asile et les anciens prisonniers. Avez-vous déjà essayé d’expliquer à la Caisse d’Assurance Maladie qu’il vous faut votre première carte vitale à l’âge de 40 ans (j’étais encore sous le régime de mon père lorsque je suis partie)? Je vous le donne en mille: un vrai casse-tête chinois! Avez-vous déjà essayé de louer un appartement sans avoir de fiches d’imposition? Impossible, même si vous avez assez d’argent sur votre compte en banque pour payer 5 ans de loyer d’un coup. Cela ne se fait pas!
Se retrouver étrangère dans son propre pays, ça fait drôle mais c’est surtout que je m’étais préparée à pleins de choses, mais pas à ça.
Le deuxième choc est de se réhabituer à la langue, oui, vous avez bien lu, la langue! Quand vous avez comme moi évolué pendant plus d’une décennie dans une vie quotidienne où tout autour de vous on ne parlait pas français, de n’entendre QUE du français, ça fait bizarre et ça surprend!
Ensuite, avec la famille, il a fallu les réhabituer à ma présence : « Dis Tata, tu ne repars plus dans ton avion, hein? » Comme je n’étais là que quelques jours par an, j’étais la Tata préférée qu’on ne voyait pas souvent et qui rapportait pleins de cadeaux…. En quelques mois, cela a changé et je suis redescendue au niveau de ‘Tata qui est là’! Et là aussi, bien que cela semble très égoïste, j’aimais bien mon statut ‘spécial’ 🙂

Comment l’expatriation change une vie…

Une vie à l’étranger est une expérience unique et ce n’est pas simple de l’expliquer. Surtout à de nouvelles personnes que vous rencontrez dans votre nouvelle vie. Beaucoup sont intimidés par mon parcours, pour ceux qui me croient en tout cas. D’autres se désintéressent rapidement : « Une vie à l’étranger ? Pourquoi faire ? On est bien en France. »
Comment s’y prendre pour partager et créer des liens avec des gens qui pensent que vivre à 50kms, c’est ‘partir’? Comment parler de ses expériences et expliquer les avantages d’une vie à l’étranger sans paraitre prétentieuse? Comment ne pas vexer quand je dis que la diversité au quotidien d’une vie dans une ville aussi cosmopolite que Doha notamment me manque?
Je crois que ce qui me manque le plus c’est cette mixité culturelle dans un seul et même lieu. Que ce soit à Londres ou à Doha, il y a des gens qui viennent du monde entier! J’ai des amis sur tous les continents mais pas un seul à 10km à la ronde…. Il y a également la diversité partout: les langues entendues dans la rue, les chaines de restaurants, les bars, les marques de mode, de cosmétiques que je ne trouve plus ici. Des produits de grande consommation : croyez-le ou non mais je rêve d’un Pinkberry ! (Et si vous ne savez pas de quoi je parle, je ne peux que vous recommander une petite recherche internet). Et je ne vous parle pas de mon environnement de travail et de ma condition de vie « d’expat ». Bref. Un rythme de vie auquel on s’habitue bien vite et se déshabitue un peu moins vite.
Mais bon le fromage et la baguette fraîche, c’est plutôt bien aussi. Non ?

Peut-on encore revenir au pays après des années d’expatriation ?

Oui, oui, oui et oui…. Il reste du chemin à parcourir, pour moi et pour nous autres les impats. Les entreprises et centres d’études se penchent sur le sujet depuis les années 90. Ils ont compris que les expatriés sont une mine d’or par leur connaissances, capacité d’adaptation mais que le retour au pays est plus difficile à gérer pour eux que prévu. On développe une sorte d’identité multiple que les autres, nos proches, ne perçoivent pas forcément ou difficilement. Quand je parle d’une expérience qui m’est arrivée à l’étranger par exemple, je peut parfois être jugée prétentieuse ou bizarre, encore pire parfois on ne me croit même pas. Ce n’est pas de la prétention mais un fait, une expérience, une mentalité qui fait désormais partie intégrante de ma vie. Et je ne m’en excuse pas, j’en suis même fière !
Le temps comme toute chose aide. J’ai fait le choix de rentrer et je l’assume, j’en suis même très heureuse. Quand j’y pense, un retour d’expatriation n’est autre qu’une nouvelle expatriation. Une nouvelle aventure qui commence, une nouvelle vie et c’est comme cela que j’ai décidé de le voir. Alors, en avant toute dans ce nouveau chapitre de ma vie !

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